Vivre mieux grâce à des techniques de cuisson perfectionnées

Lu en quelques minutes
Par Kath Lockett
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Les fourneaux traditionnels à feu ouvert sont responsables d’une grande partie de la pollution qui fait des millions de victimes dans les pays en développement. Il existe des solutions plus sûres, et l’ISO vient en soutien de technologies qui pourraient enfin faire des fourneaux propres une réalité.

Imaginez que la cuisson de vos aliments engloutisse un quart de vos revenus, dégrade les forêts de votre pays et dégage une fumée toxique dans votre foyer familial. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), 3,8 millions de personnes meurent chaque année prématurément de maladies imputables à la pollution de l’air à l’intérieur des habitations résultant de l’utilisation inefficace de combustibles solides et de kérosène pour cuisiner. Dans le monde, environ trois milliards de personnes préparent leurs repas et chauffent leur logement et leur eau au moyen de foyers ouverts ou de fourneaux rudimentaires qui émettent de grandes quantités de polluants atmosphériques à l’intérieur des habitations. On a constaté que ces modes de cuisson inefficaces engendraient de graves problèmes de santé (pneumonies, troubles cardiaques, accidents vasculaires cérébraux…). Malheureusement, sans changement notable des politiques mises en œuvre, le nombre de personnes ne disposant pas de combustibles et de technologies de cuisson propres restera pratiquement inchangé.

Dans cette optique, le comité technique ISO/TC 285 assure la promotion de modes de cuisson propres et efficaces, particulièrement à destination des pays en développement. « Il est essentiel que les populations aient accès à des fourneaux abordables, efficients, fiables et durables qui intègrent les dernières technologies et respectent les normes les plus récentes », déclare Richard Ebong, Président élu de l’ISO/TC 285, « mais il est aussi indispensable que nous collaborions avec les fabricants de fourneaux à l’amélioration constante de leurs produits ». D’après lui, pour améliorer l’état de santé des populations, les gens doivent pouvoir disposer de fourneaux ayant fait l’objet de tests appropriés selon des critères de base connus, et l’ISO est en mesure de poser ces bases.

L’ISO/TC 285 assure la promotion de modes de cuisson propres et efficaces, particulièrement à destination des pays en développement.

Promouvoir des fourneaux et combustibles innovants

Selon Elisa Derby, spécialiste de l’énergie domestique, la série ISO sur les fourneaux définit des méthodologies et des métriques de présentation des résultats communs permettant de mesurer les performances et l’impact des techniques de cuisson et des combustibles. Elle fournit également des données sur des types de fourneaux et des modes de cuisson particuliers à l’appui de techniques et de combustibles propres, efficaces, abordables et utilisables. Elle définit en outre des objectifs de performances volontaires qui aident les parties prenantes à établir le lien entre les performances des différents systèmes de cuisson et les normes sanitaires en matière de pollution de l’air établies par l’OMS.

Jusqu’à présent, l’ISO/TC 285 a publié quatre documents couvrant les performances, la sécurité et la durabilité (ISO 19867-1), les objectifs de performances volontaires pour les fourneaux (ISO/TR 19867-3), les méthodes d’essai sur site (ISO 19869) et un vocabulaire qui établit la terminologie de base du domaine (ISO/TR 21276). En outre, un rapport technique est actuellement en cours d’élaboration qui définira des lignes directrices pour l’évaluation de l’impact social lié à l’utilisation des fourneaux. Le futur rapport technique ISO/TR 19915, Fourneaux et foyers de cuisson propres – Lignes directrices pour l’évaluation de l’impact social, fournira des indications sur la manière d’évaluer les incidences sociales de l’amélioration des systèmes énergétiques de cuisson.

Elisa Derby, qui est également co-Animatrice du groupe de travail chargé d’élaborer ISO/TR 19915 (conjointement avec Dana Charron du Berkeley Air Monitoring Group), précise que ce rapport informatif rend compte des travaux actuels du comité sur l’évaluation de l’impact social des fourneaux et foyers de cuisson propres. Il mettra l’accent sur la nature des impacts sociaux susceptibles de découler de l’utilisation de nouveaux systèmes de cuisson, et de la forme qu’ils prendront, et formulera des recommandations concernant les moyens et méthodes permettant de mesurer les impacts sociaux directs et indirects.

Solar cooker at the Tengboche monastery in the Khumbu region of Nepal.

Un four solaire capte les rayons du soleil grâce à des réflecteurs positionnés autour du four, qui permettent de chauffer de la nourriture et des boissons.

Two African women wearing traditional clothes and colorful headscarves prepare food on an outdoor open fire in Moundou, Chad.

Priorité aux performances

L’élaboration et la mise en œuvre de normes de performance est indispensable en vue de stimuler l’innovation et développer un secteur qui favorise l’accès à des modes de cuisson propres dans le monde entier. Les lignes directrices de l’ISO portent sur l’évaluation de la performance des fourneaux, laissant aux fabricants et aux distributeurs de ces appareils le soin de déterminer comment utiliser au mieux les technologies disponibles pour mettre sur le marché des fourneaux qui satisfont aux objectifs de performance locaux ainsi qu’aux besoins des consommateurs en termes de prix et de qualité. Toutefois, l’ISO fait bien plus qu’inciter les entreprises à utiliser ses livrables ; les solutions envisagées pour les modes et foyers de cuisson propres ont également été conçues afin de pouvoir être adaptées et adoptées par les gouvernements nationaux à moindre coût et de permettre aux pays en développement de créer un environnement opérationnel plus prévisible et plus stable pour leurs fabricants de fourneaux. Cela devrait attirer davantage de consommateurs, d’entreprises et d’investisseurs.

L’Ouganda est un des pays qui recourt aux livrables de l’ISO pour des fourneaux plus propres et plus modernes susceptibles de réduire considérablement l’exposition aux fumées et émanations nocives. Plus de 95 % des Ougandais utilisent encore pour cuisiner des combustibles solides – généralement du charbon ou du bois –, qui sont dommageables aussi bien pour l’environnement que pour la santé des populations locales. Les femmes et les jeunes enfants sont particulièrement exposés au point que, selon l’Institute for Health Metrics and Evaluation, plus de trois mille enfants meurent chaque année des suites d’infections respiratoires aiguës causées par la fumée de ces combustibles.

De toute évidence, l’Ouganda possède indéniablement un marché pour les fourneaux améliorés, marché caractérisé par un grand nombre de producteurs, distributeurs et solutions technologiques qui pourraient bénéficier des travaux de l’ISO. Richard Ebong, qui est responsable de l’assurance qualité et de l’innovation au sein de l’organisme national de normalisation d’Ouganda, membre de l’ISO pour ce pays, relève chez ses compatriotes un intérêt manifeste pour les lignes directrices de l’ISO relatives aux fourneaux : « Le gouvernement ougandais n’a pas hésité à appliquer ces normes ; et les fabricants d’appareils de cuisson propres en ont aussi compris l’importance et sont impatients de les mettre en œuvre. Jusqu’à présent, cela s’est traduit par la mise à disposition de fourneaux plus sûrs, plus efficaces et plus résistants, avec des niveaux d’émissions moindres.

Refugee women from the Congo cooks food sitting on the ground at the Kyangwali Refugee Settlement in Uganda.

Une mère préparant le repas sur un foyer traditionnel composé de trois pierres, Ouganda.

Au-delà de la santé 

L’Alliance mondiale pour les foyers améliorés (Clean Cooking Alliance) a également collaboré avec l’ISO afin de mettre en évidence les risques auxquels s’exposent les femmes qui respirent des fumées nocives provenant des foyers de cuisson. Les femmes supportent aussi l’essentiel du temps consacré au ramassage du combustible et à sa préparation, soit jusqu’à 20 heures par semaine selon les données disponibles, et passent de longues heures à cuisiner sur des fourneaux peu efficients. Les études montrent, en outre, qu’une grande partie du revenu des ménages est consacrée à l’achat de combustibles. En complément de ces statistiques, un rapport de l’OMS indique que l’approvisionnement en combustibles augmente le risque de lésions musculosquelettiques et nécessite énormément de temps, ce qui limite les possibilités pour les femmes de gagner des revenus et peut empêcher les enfants d’aller à l’école.

« Mais ce n’est pas tout » dit Elisa Derby. « On sait que l’introduction dans un ménage d’un nouveau système de cuisson peut avoir des répercussions d’ordre socioéconomique et sanitaire sur ses membres, notamment sur leur sentiment de bien-être et la manière dont les membres disposent de leur temps. Ces changements peuvent toutefois être considérés par les intéressés comme négatifs ou positifs et donner lieu à des compromis ; ils peuvent affecter différemment chaque membre de la famille ou modifier l’équilibre des tâches au sein du foyer » ajoute-t-elle.

Il est donc important d’évaluer avec précision si l’amélioration des technologies dans un domaine est susceptible d’entraîner des difficultés dans d’autres domaines. Elisa Derby cite l’exemple d’une famille occupée à choisir un fourneau qui lui fera économiser un temps précieux passé à cuisiner et à s’approvisionner en combustible. « Ce fourneau consomme peut-être moins de combustible mais pourrait exiger une plus grande surveillance ou un apport plus fréquent de combustible en plus petits fragments » précise-t-elle. « Le cuisinier risque alors de passer plus de temps à débiter le combustible à l’avance ou ne plus pouvoir gérer plusieurs tâches simultanément une fois le fourneau allumé parce que celui-ci exige une attention constante. Dans ce cas, la diminution du temps de cuisson est contrebalancée par la nécessité de préparer le combustible et les aliments avant d’allumer le fourneau. »

En revanche, une conséquence positive pourrait être la prise en charge des tâches de cuisine par d’autres membres de la famille si la technologie en rend le processus plus rapide et plus simple, libérant ainsi le cuisinier principal (généralement la mère ou la fille) pour d’autres tâches. « Une réduction du temps passé à cuisiner permettrait à la cuisinière de consacrer plus de temps aux travaux agricoles, ce qu’elle pourrait apprécier. Il importe donc de prendre en compte – et d’évaluer – les conséquences à la fois prévues et imprévues d’une évolution des systèmes de cuisson au sein de la famille, tant aux niveaux familial que social. »

En Ouganda, plusieurs groupes de femmes ont été consultés à propos des normes ISO pour les fourneaux de cuisson afin d’obtenir leurs réactions sur ce qu’elles attendaient du fourneau qu’elles utilisaient ou prévoyaient d’acheter. « Les femmes entrevoient de nombreuses possibilités au-delà d’une simple amélioration de la sécurité » note M. Ebong. « Elles envisagent des opportunités commerciales en faisant remonter aux fabricants des informations utiles sur les nouveaux fourneaux qu’elles ont testés et en démontrant, en tant que personnes de confiance, aux autres membres de la communauté la durabilité, l’efficacité et la sécurité de ces appareils ainsi que leur accessibilité en termes de prix. Ainsi, la distribution et la vente de ces fourneaux perfectionnés leur procurent également des incitations financières. »
 

Essayés et éprouvés

Selon l’Alliance mondiale pour les foyers améliorés, « les normes fournissent des définitions et des objectifs rigoureux en ce qui concerne les performances, la sécurité, la durabilité et la qualité des fourneaux et des combustibles ». L’Alliance estime aussi que « les meilleures lignes directrices sur le plan international sont celles élaborées dans le cadre du processus de consensus mis en place par l’ISO ». Pour élaborer une norme qui soit à la fois scientifiquement validée et facile à appliquer, il faut connaître l’avis et le point de vue des parties prenantes sur l’ensemble du secteur, des experts techniques aux décideurs politiques.

L’ISO a élaboré des lignes directrices relatives aux essais en laboratoire et sur le terrain afin de rendre compte, le plus précisément possible, des émissions mesurées et des résultats qui peuvent être obtenus en utilisant des technologies améliorées et en garantissant, à travers le monde, la cohérence des méthodologies et des métriques employés. Si les laboratoires sont en mesure d’effectuer des essais extrêmement précis et presque sans interférence, l’ISO estime que les normes concernant les essais sur le terrain devraient permettre d’adapter les mesures afin de recréer de manière plus efficace les conditions, la disponibilité de combustibles et les habitations dans lesquelles les fourneaux sont utilisés.

L’une des difficultés que posent les fourneaux est qu’il est impossible d’en prédire, d’un seul coup d’œil, les performances en matière de consommation de combustible ou d’émissions ; il faut les tester. Comme l’explique Mme Derby, « par le passé, les différents pays et experts en charge des essais utilisaient des méthodologies et métriques de présentation des résultats différents pour évaluer les performances des fourneaux, ce qui entraînait une certaine confusion parmi les acteurs du secteur, notamment les consommateurs, les donateurs, les investisseurs et les décideurs politiques. Pour ces parties prenantes non techniques, il est en effet difficile d’interpréter des résultats d’essais effectués à l’aide de méthodes et d’indicateurs différents. »

Les lignes directrices de l’ISO peuvent aider les pays à élaborer des politiques en conséquence. Ainsi, un gouvernement peut exiger que les fourneaux atteignent un certain niveau de performance (par exemple, le niveau 3 pour l’efficacité ou le niveau 2 pour les émissions), mesuré dans un laboratoire certifié, pour pouvoir être pris en compte dans un programme national en la matière. Les livrables de l’ISO pour les fourneaux seront donc essentiels pour créer un marché mondial et avoir un impact. 

Les normes fournissent des définitions et des objectifs rigoureux en ce qui concerne les fourneaux et les combustibles.

L’air que l’on respire

Four African people, including Samira Bawumia, the Second Lady of Ghana, and Grammy-nominated artist Rocky Dawuni, lined up at the Clean Cooking Forum 2019 in Nairobi, Kenya.

Le coup d’envoi de la campagne « Clean Cooking Is… » est donné lors du Clean Cooking Forum 2019 à Nairobi, Kenya, où S.E. Samira Bawumia (tout à droite), épouse du Vice-président du Ghana, et l’artiste Rocky Dawuni, nominé pour un Grammy, lancent une nouvelle campagne vidéo.

La réalisation d’une étude d’impact social des modes de cuisson propres s’impose encore davantage en cette période de COVID-19. D’après une étude menée à l’échelle des États-Unis par la Harvard T.H. Chan School of Public Health (en instance de validation), les personnes exposées à la pollution atmosphérique sont plus susceptibles de mourir de la maladie de coronavirus que celles habitant dans des régions où l’air est pur. « Cette étude ne présage rien de bon pour de nombreux pays en développement où les niveaux de pollution vont bien au-delà des directives de l’OMS en matière de pollution » déclare Son Excellence Samira Bawumia, épouse du Vice-président du Ghana et championne de l’Alliance mondiale pour les foyers améliorés, dans un article rédigé pour cet organisme. « Plus inquiétant encore, la qualité de l’air à l’intérieur des habitations peut être bien pire que celle de l’air que les gens respirent à l’extérieur, en grande partie à cause de la façon dont ils cuisinent. »

Même pour les ménages qui utilisent déjà des sources d’énergie plus propres, telles que l’électricité, le gaz de pétrole liquéfié ou l’éthanol, pour la cuisson des aliments, le ralentissement économique actuel pourrait se traduire par un retour au bois de chauffage ou autres combustibles polluants. Les gouvernements doivent se saisir de ce problème en intégrant les modes de cuisson propres dans leurs plans d’intervention d’urgence en cas de pandémie ; à cet égard, les lignes directrices de l’ISO relatives aux fourneaux propres pourraient grandement les aider à réaliser leurs objectifs sanitaires à long terme.

Des modes de cuisson innovants pourraient se révéler essentiels pour réduire la pollution de l’air à l’intérieur des habitations et faire reculer les maladies respiratoires. En poursuivant son évaluation des techniques et des combustibles nouveaux et actuels pour les fourneaux, l’ISO continuera de collaborer avec les gouvernements, les donateurs, les fabricants et les consommateurs en vue d’apporter des améliorations en matière de qualité de l’air, de santé et de résultats sociaux et environnementaux. Cela étant, l’action engagée par l’ISO dans ce domaine gardera toute son importance puisqu’elle contribuera à proposer des modes de cuisson plus propres, plus efficaces et plus abordables à un plus grand nombre de personnes à travers le monde.

ISOfocus Septembre/Octobre 2020

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Elizabeth Gasiorowski-Denis
Rédactrice en chef d'ISOfocus